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Pacte Dutreil : Optimisation de la rédaction de l'engagement collectif de conservation

Stratégies d’optimisation dans la rédaction de l’engagement collectif

Le dispositif Dutreil visant à favoriser la transmission et la pérennité des entreprises familiales en réduisant le coût fiscal de leur transmission à titre gratuit est soumis à plusieurs conditions strictes.

Si la Loi de Finances rectificative pour 2006 modifiée par la loi de Finances pour 2008 a apporté quelques atténuations en permettant dans certaines conditions que l’engagement collectif soit « réputé acquis », il est souvent en pratique préférable de souscrire malgré tout un engagement collectif préalable, ou à titre conservatoire, dès qu’il existe une possibilité que l’entreprise soit transmise à terme au profit d’un héritier.

Face à sa complexité, le présent article a pour objet de mettre en lumière les principales conditions d’établissement de l’engagement collectif tout en apportant certaines stratégies en fonction des situations auxquelles Notaires, Avocats, Expert-comptables, et CGP peuvent être confrontés.

La conclusion de l’engagement collectif de conservation (ECC)

Les signataires de l’ECC

1.Caractère collégial de l’ECC

L’engagement collectif doit être signé par au moins deux associés de la société ce qui exclut en principe des sociétés unipersonnelles.

En ce qui concerne ces dernières plusieurs solutions restent envisageables (engagement réputé acquis, CGI, art 787 C, ou encore la donation ou cession d’une part ou action préalablement à l’ECC).

2. Un mineur peut il signer un ECC ?

Selon l’administration, la souscription à un ECC est un acte d’administration (RM MARINI n° 22716 du 19 octobre 2006 reprise au Bofip BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n°110).

Depuis l’ordonnance du 15 octobre 2015 modifiant les règles d’administration légale, entrée en vigueur au 1er janvier 2016, un régime unique d’administration légale est exercée en commun par les deux parents ou à défaut, par l’un d’entre eux.

En ce qui concerne les actions (VM), le nouvel article 387-1, 8° du Code civil est venu précisé que le contrôle du juge n’ait maintenu que pour les actes les plus graves et notamment « pour procéder à la réalisation d’un acte portant sur des valeurs mobilières ou instruments financiers au sens de l’article L.211-1 du Code monétaire et financier, si celui-ci engage le patrimoine du mineur pour le présent ou l’avenir par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives du mineur ».

Ainsi, il convient de se demander si la conclusion d’un ECC constitue un acte grave au sens de cet article. Si l’administration ne s’est pas encore prononcée sur cette question, il ne paraît pas indispensable de soumettre la signature de l’ECC au contrôle du juge (sauf cas exceptionnel), dans la mesure ou cet engagement n’a pour objet que de permettre à l’enfant mineur de bénéficier d’une mesure de faveur. Ainsi, lorsqu’un acte n’est pas soumis à cette disposition, il ne peut s’agir que d’un acte de conservation ou d’administration et non d’un acte de disposition. A ce titre, lorsque les deux parents exercent conjointement l’administration légale, chacun d’eux devrait donc pouvoir conclure seul un ECC en application de l’article 382-1 du Code civil.

En ce qui concerne les parts sociales, il n’existe pas de règle particulière pour les titres non négociables. L’ECC peut donc être conclu par l’un ou l’autre des parents sans avoir à solliciter l’autorisation du juge des tutelles.

3. L’intervention d’une personne morale à l’ECC

La conclusion d’un ECC relève en principe de la compétence des représentants légaux. Nous ne nous étendrons pas sur l’ensemble des aspects relatifs au droit des sociétés (habilitation éventuelle, pouvoirs des représentants, convention réglementée, compatibilité avec les pactes d’associés etc.).

Nous ne pouvons que recommander la présence d’une décision collective prise à la majorité requise afin de couvrir la responsabilité du représentant légal.

4. L’admission de nouveaux signataires en cours d’ECC

Depuis la LFR pour 2011, il est désormais possible d’inclure de nouveaux signataires à un ECC en cours, ou des cessionnaires de titres acquis auprès d’un signataire de l’ECC, sans que ce dernier ne soit remis en cause.

Dans ces hypothèses, la durée de l’engagement collectif sera alors automatiquement reconduite pour deux ans (CGI, art 787 B, b) et e bis).

A priori, cette solution ne trouvera écho que dans les hypothèses où l’une des conditions nécessaires à l’ECC ne serait plus remplie (notamment le seuil de détention minimum ou une fonction de direction). Dans les autres cas, il sera préférable de souscrire un second ECC, ce qui permettra de conserver l’antériorité du premier.

Le pourcentage minimum de titres à couvrir par l’ECC

1. Un minimum de 34% (ou 20% si société cotée)

L’engagement collectif de conservation doit porter sur au moins « 20% des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société s’ils sont admis à la négociation sur un marché réglementé, ou à défaut, sur au moins 34%, y compris les parts ou actions transmises. Ces pourcentages doivent être respectés tout au long de la durée de l’engagement collectif de conservation ».

La doctrine administrative a toutefois admis en ce qui concerne le sociétés non cotées, que le seuil de 34% ne concerne que les parts ou actions de la société dont les titres sont soumis à l’ECC (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 200). Il n’est donc plus exigé que le seuil de 34% porte à la fois sur les droits financiers et droits de vote.

2. L’opportunité de conclure plusieurs ECC

L’article 787 B fixe uniquement un seuil minimum de titres à placer sous l’ECC. Chaque associé est donc libre de soumettre le nombre de titres qu’il souhaite dans le mesure où la somme des titres engagés par l’ensemble des associés représente au minimum 34% des titres de la société. Il est donc possible pour l’un des associés de soumettre 33% ou plus, tandis qu’un autre signataire n’engagerait sa participation qu’à hauteur de 1%. Chaque associé doit donc arbitrer entre l’optimisation de l’assiette de l’exonération partielle, et la liberté de cession partielle qu’il souhaite conserver.

Rien ne s’oppose par ailleurs à conclure plusieurs engagements si la transmission à titre gratuit ne doit porter dans un premier temps que sur une partie des titres. Ainsi, les titres transmis dans l’ECC n°1 ne risqueront pas d’être remis en cause en cas de cession des titres soumis à l’ECC n°2 qui n’aura été conclu qu’à titre conservatoire. Dans la mesure où aucune transmission n’est réalisée, le non-respect de l’ECC n°2 n’entrainera aucune conséquence fiscale.

3. La souscription de plusieurs ECC sur mêmes titres

Rien n’empêche non plus un signataire d’engager ses titres dans plusieurs ECC. Les objectifs poursuivis par l’associé dans la conclusion de plusieurs ECC sont nombreux :

-permettre à un associé non-signataire du premier ECC de souscrire son propre ECC dans la mesure où il ne peut remplir seul l’ensemble des conditions ;

-se protéger contre la défaillance d’un cosignataire du premier ECC qui pourrait entrainer une remise en cause (notamment s’il n’a souscrit l’ECC que pour une fraction minoritaire, 1% par exemple, et ce, à titre de complaisance).

En effet, si les titres sont soumis à plusieurs ECC, si un tombe, ils resteront couverts par un autre ECC. Cette stratégie est d’ailleurs souvent mise en œuvre en pratique dans les sociétés dont la détention capitalistique est détenue par deux ou plusieurs familles différentes ou recomposées.

4. Souscription avec les mêmes signataires

Dans certains cas, il peut être envisagé de conclurent entre les mêmes signataires, plusieurs ECC portant partiellement sur les mêmes titres mais avec des pourcentage différents. Il s’agit ici d’une stratégie d’optimisation dans la mise en œuvre des engagements permettant de laisser une liberté aux signataires de céder une fraction des titres en constituant plusieurs « lots de titres », et en ne mettant un terme qu’aux ECC portant sur les titres cédés (les autres engagements restant valides avec la même antériorité).

Cette possibilité n’est toutefois pas expressément prévue par la doctrine administrative et une telle stratégie n’est peut être pas entièrement à l’abri d’une éventuelle contestation de la part de l’administration fiscale. Afin d’éviter tout risque, il peut être opportun d’inclure un nouveau signataire par ECC.

La durée de l’ECC

1. La date d’effet

En ce qui concerne un engagement collectif de conservation établi sous seing privé, ce dernier est opposable à l’administration « à compter de l’enregistrement de l’acte qui le constate ».

En ce qui concerne un engagement collectif de conservation établi par acte authentique, l’engagement est opposable dès la date de signature de l’acte authentique (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 160).

2. Une durée d’au moins 2 ans

L’ECC doit être conclu pour une durée minimale de deux ans.

Si la durée de l’ECC ne peut être inférieure à 2 ans, il est possible de prévoir une durée supérieure. Toutefois, la « contractualisation » d’une durée supérieure ne semble présenter aucun intérêt.

3. La prorogation tacite de la durée

La doctrine administrative autorise les parties à aménager avec une grande souplesse la durée initiale de l’ECC (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 170).

Il est possible de prévoir une « prorogation » automatique du délai de deux ans dont le terme, qui ne peut être inférieur à 2 ans, serait constitué par la réalisation d’un événement (la donation).
Il est d’ailleurs conseillé de retenir une prorogation par des périodes courtes (trimestrielle ou mensuelle) afin que les bénéficiaires de la transmission puissent débuter la phase individuelle le plus rapidement possible.

Cette stratégie est a privilégier notamment lorsque le donateur souhaite transmettre une partie des titres (pour lesquels une durée fixe de 2 ans sera instaurée dans l’ECC n°1) tandis que l’autre partie des titres ne sera transmise que plus tard (ECC n° 2 avec prorogation tacite). De cette façon, au moment de la transmission, l’ECC n°2 sera en cours et bénéficiera de son antériorité, permettant ainsi de réduire la durée des engagements au moment de la transmission.

Si l’engagement collectif est conclu à titre conservatoire, il sera également opportun de prévoir une tacite prorogation par périodes courtes tout en stipulant que toute transmission à titre gratuit entrainera dénonciation automatique de la prorogation tacite.

Cette dénonciation automatique permettra d’atténuer le risque d’oublier de procéder à cette dénonciation et ainsi de retarder le point de départ de la phase individuelle.

Pour rappel, aucun engagement individuel ne peut débuter tant que l’engagement collectif n’a pas été dénoncé.

La dénonciation, automatique ou expresse, de la tacite prorogation devra toutefois être notifiée à l’administration fiscale pour lui être opposable.

Il convient également d’avertir chaque année l’ensemble des signataires pour leur permettre de procéder aux différentes obligations déclaratives.

L’enregistrement

Pour être opposable à l’administration il est nécessaire de procéder à l’enregistrement de l’ECC.

Le coût de l’enregistrement est de 125 € (par ECC).

Plus rare, il est également possible d’insérer un ECC directement dans les statuts constitutifs de la société (exonération lors de la constitution, art. 810 bis CGI).

L’intérêt de l’intégration d’une personne morale parmi les signataires

La participation d’une personne morale au sein de l’ECC permet de réduire la rigidité de celui-ci vis-à-vis de certaines opérations.

En effet, les cessions entre membres signataires étant autorisées, cela permettra, si un ou plusieurs des membres de l’ECC souhaitent céder des titres, de les faire racheter par cette société holding dans le cadre d’un LBO ou LMBO par exemple.

Cette stratégie sera également envisagée en matière de FBO afin de permettre la réalisation de l’apport de la soulte et des titres reçus par donation.

Enfin, la personne morale présentera également un intérêt afin de bénéficier d’une plus grande souplesse dans l’exercice de la fonction de direction requise. En effet, si la fonction de direction est réalisée par une personne physique, sa démission ou sa révocation pourrait entrainer la déchéance du régime de faveur.

 

Vous pouvez trouver l'intégralité de l'article en format pdf ci-joint.

 

Auteur : Thomas RIGAL

Service droit des affaires

SCP VIALLA & DOSSA, Notaires à Montpellier

 

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