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Immobilier d'entreprise et démembrement de propriété

L'intégralité de cet article avec les schémas au format PDF à télécharger en bas de page

Pour toute entreprise, l’acquisition d’un actif immobilier constitue si ce n’est « le », l’un des investissements les plus importants et des plus lourds à financer. Important par sa « valeur », mais également pour des raisons de développement de l’entreprise.

Selon l’activité réalisée, le lieu de situation de ses locaux professionnels ou commerciaux peut être facteur de réussite ou d’échec.

Ce lieu de situation n’aura pas la même incidence en ce qui concerne une société proposant des prestations de services informatiques à distance, (qui n’impose pas en soi une situation particulière sur un plan commercial), et un grand distributeur de type Carrefour, Centrale U et Auchan, où la zone de chalandise sera le critère numéro 1. Entre les deux existent les TPE et PME avec les mêmes objectifs, et les mêmes contraintes.

Il n’est pas rare non plus qu’une entreprise connaisse une croissance continue sur plusieurs années et soit contrainte pour des raisons de logistique, de changer de locaux plusieurs fois sur un même cycle d’amortissement.

L’instabilité fiscale qui caractérise notre pays rend difficile la mise en place d’une stratégie de détention efficace sur le long terme. Doit-on réaliser l’acquisition par l’intermédiaire de la société opérationnelle pour bénéficier d’une fiscalité professionnelle avantageuse ? Ou détenir ses locaux dans son patrimoine privé afin de bénéficier des abattements pour durée de détention en matière de plus-value immobilière des particuliers pour préparer l’avenir ?

L’opposition classique de « l’IR » et de « l’IS »

Au moment d’acquérir un actif immobilier, le chef d’entreprise, et plus généralement son expert-comptable ou ses conseils, détermineront ensemble s’il est plus opportun pour l’Entrepreneur de détenir ses locaux dans son patrimoine privé, ou dans son patrimoine professionnel.

Ce choix est loin d’être anodin. Dans le cas d’une société exerçant une activité de type BIC, l’inscription de l’actif au bilan permettra à l’immeuble de bénéficier de toute la fiscalité professionnelle (IS). A l’inverse, si le chef d’entreprise fait entrer le bien dans son patrimoine privé, il devra supporter les inconvénients fiscaux liés à l’impôt sur le revenu.

L’inscription  de l’immeuble à l’actif du bilan : le choix de l’IS

Les avantages de l’IS

            Durant la période de détention, les avantages sont considérables. Si l’inscription au bilan de l’entreprise permet la déduction des frais financiers, de la taxe foncière, des dépenses de réparation, et des frais d’acquisitions (droits de mutation et honoraires de notaire), l’immeuble enregistré en tant qu’immobilisation pourra surtout faire l’objet d’une dotation aux amortissements, déductible au titre de chacun des exercices.

De plus, l’inscription de l’immobilier à l’actif du bilan permettra également au Chef d’entreprise de bénéficier d’une exonération partielle de 75% de la base taxable en cas de transmission à titre gratuit de l’entreprise familiale au profit d’un enfant, dans le cadre du régime de faveur Dutreil (CGI, 787 B et C).

En matière d’impôt sur la fortune (ISF), et bientôt IFI, les dispositions de l’article 885 N du CGI exclues expressément de l’assiette taxable les biens affectés à l’activité.

Enfin, la jouissance du bien ne donnera pas lieu à la souscription d’un contrat de location, et le chef d’entreprise ne sera pas attributaire de loyers taxables dans la catégorie des revenus fonciers.

Les inconvénients de l’IS

            Que la société ait besoin de se développer et de changer de locaux, ou que le Chef d’entreprise décide tout simplement de céder l’immeuble inscrit à l’actif du bilan, cette cession sera taxée suivant les règles pénalisantes des plus-values professionnelles.

La plus-value sera imposée au taux de droit commun de l’IS (15% et 33%) pour la plus-value à court terme, et au taux de 16% pour la plus-value à long terme, quelle que soit la durée de détention du bien cédé (sauf en ce qui concerne la plus-value long terme dans les conditions de l’article 151 septies B).

Le maintien dans le patrimoine privé : le choix de l’IR

Les avantages de l’IR

                En tout premier lieu, le chef d’entreprise pourra retirer un revenu de la location du bien à sa société d’exploitation si le passif relatif à l’emprunt éventuel est inférieur à la trésorerie disponible. Ces sommes seront soumises à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers. A ce titre, la tranche marginale d’imposition (TMI) du dirigeant est souvent l’un des éléments permettant d’effectuer un choix entre l’IR et l’IS. Le revenu net foncier taxable peut en effet atteindre une TMI de 45% majoré des prélèvements sociaux de 15,5% et bientôt 17,5%.

En cas de cession du bien, le chef d’entreprise pourra bénéficier du régime très attractif de la plus-value immobilière des particuliers au taux de 19%, auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux.

Il sera ainsi appliqué une exonération progressive par année de détention à compter de la 5ème année, aboutissant à une exonération totale au bout de 22 ans au titre de l’impôt sur le revenu, et 30 ans au titre des prélèvements sociaux.

Autre avantage, d’ordre patrimonial cette fois-ci, la non-inscription du bien à l’actif du bilan permettra à la société d’être plus « liquide ». En cas de cession, le Cessionnaire peut ne pas souhaiter racheter un actif immobilisé entièrement amorti et dont il n’aurait guère l’usage. Il préfèrera en pratique faire supporter le coût de l’externalisation de l’actif par le Chef d’entreprise Cédant, avant la cession.

Les inconvénients de l’IR

                En matière de revenus fonciers, les charges déductibles sont extrêmement limitées.

De plus, la fiscalité des revenus fonciers attachée aux loyers peut être dans certains cas punitive, notamment pendant la phase d’emprunt alors que le propriétaire est soumis à une tranche marginale d’imposition élevée. En pratique, lors de l’établissement du dossier d’acquisition, il est calculé que les loyers issus de la location seront directement affectés aux mensualités d’emprunts permettant ainsi de couvrir totalement ou partiellement les échéances du prêt. Toutefois, la fiscalité ne doit pas être oubliée dans un tel schéma !

En effet, les loyers réaffectés au remboursement du prêt ne seront plus disponibles pour couvrir l’imposition en fin d’année au titre des revenus fonciers.

Exemple : TMI à 45%, Loyer mensuel 100 et mensualité d’emprunt de 100 également : Chaque mois, le loyer est affecté au remboursement de l’emprunt (100-100=0). Toutefois en fin d’année, le chef d’entreprise devra déclarer un revenu foncier de 100x12, soit 1200. Etant soumis à une TMI d’imposition de 45%, il devra payer un impôt de 540 au titre de l’IR et 186 au titre des prélèvements sociaux.

Il conviendra donc dans chaque situation de s’assurer que le Chef d’entreprise dispose de revenus suffisants pour couvrir cette imposition.

Il s’agit ici de la principale contrainte au maintien du bien dans son patrimoine privé.

La société civile immobilière

            La détention de l’immeuble d’exploitation peut également être réalisée par l’intermédiaire d’une société civile immobilière translucide (n’ayant pas opté pour l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés).

Dans cette situation, le chef d’entreprise sera taxé dans la catégorie des revenus fonciers au même titre qu’une détention en directe, mais il pourra associer cette acquisition avec une stratégie patrimoniale.

La SCI constitue un outil de transmission très adéquat dans la mesure où le financement de l’actif peut être réalisé par emprunt ou par apport en compte courant. La dette contractée pour cette acquisition viendra en diminution de la valeur réelle des parts sociales, ce qui diminuera considérablement les droits de mutation à titre gratuit. Pendant  la phase de détention, la tenue d’une comptabilité adéquate permettra de jongler efficacement entre le « résultat distribuable » et la « trésorerie disponible », afin de réduire peu à peu le montant des créances de compte courant d’associé. En pratique, la donation des parts sociales sera réalisée peu de temps après la constitution de la société. L’actif net réévalué de la SCI n’étant généralement égal qu’au montant du capital social au moment de son immatriculation, la transmission des parts sociales permettra de prendre en considération l’intégralité du passif grevant le bien, contrairement à une détention en directe, diminuant d’autant la base taxable aux droits de mutation à titre gratuit.

La liberté contractuelle permettra également au Chef d’entreprise d’aménager les statuts sociaux afin de lui assurer une certaine « maitrise » du foncier, utile à son exploitation. Il peut notamment s’agir d’une donation de la seule nue-propriété avec réserve d’usufruit au profit du donateur, ou encore, de prévoir des pouvoirs très étendus pour le Gérant dont la nomination sera « irrévocable ».

Sur le plan fiscal, une donation peut également avoir des incidences pendant la phase d’emprunt. Comme illustré ci-dessus, un chef d’entreprise soumis à une TMI à 45% + prélèvements sociaux, peut avoir tout intérêt à faire supporter cette imposition sur la tête de ses héritiers soumis à une tranche d’imposition inférieure. Le choix du sujet fiscal peut ainsi être facilité par l’intermédiaire d’une structure sociale.

En ce qui concerne l’économie général de cette stratégie, la conclusion d’un bail commercial avec la structure d’exploitation permettra de déduire les loyers du résultat de l’entreprise, engendrant ainsi un gain sur les cotisations sociales calculées sur le bénéfice fiscal.

La SCI peut par ailleurs optée pour l’impôt sur les sociétés afin d’éviter toute imposition pendant la phase d’emprunt à défaut de disposer d’un résultat imposable. Toutefois, l’option est d’ordre irrévocable. En cas de revente du bien, ce dernier subira la fiscalité contraignante d’une la plus-value professionnelle. C’est la raison pour laquelle l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés est rarement opportun pour détenir son immeuble d’exploitation.

L’usufruit temporaire : le choix de l’IR et de l’IS

Description du schéma

Le démembrement de propriété portera indirectement sur les titres de la société qui détient quant à elle la pleine propriété du bien.  

Une fois le démembrement de propriété réalisé, la société civile immobilière conclut un bail commercial (authentique) avec la société d’exploitation qui détient l’usufruit temporaire des parts sociales de la SCI propriétaire de l’immeuble. Le bénéfice dégagé par les loyers est donc ensuite distribué à la société usufruitière des titres, c’est-à-dire la société d’exploitation.

Les avantages de cette stratégie

                Les avantages sont incontestables. Ils sont économiques, juridiques, financiers et patrimoniaux.

D’un point de vue économique et financier, ce montage permet à la société d’exploitation d’améliorer sa trésorerie grâce à la remontée des loyers. Il convient à ce titre de s’assurer que l’intérêt économique est présent avec un loyer suffisant. Le montage ne doit pas permettre à la structure de créer un déficit sur lequel imputer son propre résultat. De la même manière, le loyer ne doit pas être trop élevé pour la société d’exploitation afin d’éviter les sanctions applicables en matière d’acte anormal de gestion. Un loyer « juste » est donc vivement conseillé.

Sur un plan juridique, l’usufruit temporaire permet à la société d’exploitation d’assoir sa maitrise sur son foncier d’exploitation. Etant usufruitière des titres de la société civile immobilière propriétaire de ses locaux, elle décidera aisément du maintien ou non, de la mise à disposition du bien à son profit en dehors des règles applicables au statut des baux commerciaux. Elle décidera ainsi de la prorogation des baux, de leurs modifications, de leur résiliation et de l’absence ou de la présence d’une indemnité de résiliation. Sa sécurité juridique sur l’occupation des locaux est donc nettement renforcée si on compare ses droits avec un simple bail commercial.

Les motivations patrimoniales sont également nombreuses. Premièrement, l’externalisation de l’immobilier d’entreprise permet de ne pas « polluer » l’actif du bilan par une immobilisation souvent encombrante en fin d’exploitation, notamment à l’aune d’une cession à titre onéreux.

En présence d’enfant, le Chef d’entreprise peut également anticiper la transmission de son patrimoine en allotissant ses enfants de la nue-propriété des parts de la SCI. A l’extinction de l’usufruit temporaire, les enfants se retrouveront ainsi plein propriétaire en tout ou partie des titres de la SCI. A défaut d’héritier, cette stratégie peut également s’inscrire dans un processus de retraite. Les loyers versés par la société d’exploitation constitueront au terme de l’usufruit un complément de revenu ou de retraite pour le Chef d’entreprise devenu plein propriétaire des parts de la SCI.

Conseil : Il doit être apporté une attention très particulière à la rédaction des statuts de la SCI. Une constitution en plusieurs étapes sera parfais même nécessaire.

Afin d’asseoir la politique de la société d’exploitation usufruitière des parts de la SCI, il conviendra de lui octroyer les pouvoirs les plus étendus : droit de vote appartenant à l’usufruitier en cas de démembrement de propriété, nomination de la SE en qualité de gérant, rédaction particulière quant aux affectations des bénéfices et comptes courants.

Les incidences sur le plan fiscal et comptable

Au niveau fiscal, il y aura lieu de tirer toutes les conséquences de la situation par laquelle une société soumise à l’impôt sur les sociétés détient l’usufruit des parts d’une société translucide. En vertu de l’article 238 bis K du Code général des impôts, en ce qui concerne la détermination du résultat, les règles de l’impôt sur les sociétés vont s’appliquer pendant toute la durée du démembrement, à proportion des parts en usufruit détenues par la société d’exploitation. Les règles de l’IS seront donc applicables au niveau de la SCI alors que cette dernière n’aura exercée aucune option.

Pendant la phase de démembrement, l’immeuble pourra faire l’objet de dotations aux amortissements et bénéficiera d'une fiscalité professionnelle bien plus avantageuse que celle des particuliers (charges déductibles etc..).

L’usufruit temporaire fera également l’objet d’un amortissement. On ne doit pas y voir un risque de « double amortissement » dans la mesure où la dotation est réalisée sur deux immobilisations différentes. La jurisprudence a d’ailleurs déjà admis l’amortissement de l’usufruit de titres de participation (TA Poitiers, 21 nov. 1996, n°95-1791).

Concernant la durée de l’amortissement d’un immeuble de placement, cette dernière correspond en principe à sa durée d’utilisation contrairement à un immeuble affecté à l’exploitation dont la durée est alors celle de son usage. Toutefois, la doctrine administrative est venue préciser que lorsque l’entreprise détient un pouvoir de contrôle, l’immeuble ne peut être considéré comme un immeuble de placement (BOI 4 A-13-05, n°  121.). Il en résulte que l’entreprise qui détient l’usufruit des parts de la SCI et les pouvoirs de direction de cette dernière, l’amortissement pourra être pratiqué sur la durée « d’usage » de l’immeuble. C’est en partie à cette fin que la société d’exploitation devra être nommée Gérante de la SCI.

Côté Impôt sur le Fortune (ISF et bientôt IFI), le nu-propriétaire des parts de la SCI échappera à l’impôt sur la fortune dans la mesure où seul l’usufruitier est redevable sur la valeur totale du bien (CGI, 885). La société d’exploitation usufruitière des parts étant par ailleurs l’outil professionnel du chef d’entreprise, elle sera quant à elle exonérée d’ISF.

Enfin, le Chef d’entreprise ne sera pas non plus soumis à l’imposition au titre des revenus fonciers à défaut de percevoir les loyers.

A l’extinction de l’usufruit temporaire sur les parts sociales, la pleine propriété sera reconstituée sur la tête du nu-propriétaire en franchise d’impôt (CGI, 1133). La société civile immobilière n’ayant jamais opté pour l’impôt sur les sociétés, les règles de l’impôt sur le revenu se substitueront donc automatiquement à celles de l’impôt sur les sociétés.

Le chef d’entreprise aura ainsi tout le loisir de maintenir la location et de percevoir des loyers imposables dans la catégorie des revenus fonciers, ou décider de céder l’immeuble tout en bénéficiant du régime favorable des plus-values immobilières des particuliers.

La constitution de l’usufruit temporaire

Que reste-t-il de la cession à titre onéreux de l’usufruit temporaire ?

                Très (trop) utilisé en matière d’immobilier d’entreprise,  souvent pour des raisons exclusivement fiscales, le régime de la cession d’usufruit temporaire a été refondu en 2012 (LFR 29 déc. 2012) par le Gouvernement afin d’enrayer la déperdition d’impôt liée à ce montage. La cession d’usufruit temporaire d’un bien immobilier est passée d’une imposition au titre de la plus-value immobilière des particuliers, à une imposition dans la catégorie des « revenus fonciers », conformément à l’article 13-5 du Code général des impôts. Cette disposition fiscale rend beaucoup moins attrayant le montage dans la mesure où le produit, ne bénéficiant plus d’un abattement pour durée de détention au titre de la plus-value immobilière, fait l’objet d’une taxation immédiate au titre des revenus fonciers dans son intégralité (jusqu’à 45% +15,5 et bientôt 17,5% en fonction de la TMI).

La pratique a donc élaboré un nouveau schéma portant non pas sur le bien immobilier lui-même, mais sur les parts d’une société civile immobilière, constituée « et » démembrée « avant » l’acquisition du bien. Cependant, lorsque l’on analyse précisément les dispositions du texte, on se rend bien compte que le spectre de l’administration fiscale n’est jamais  très loin, notamment lorsque l’opération est réalisée avec trop peu de précaution et que la motivation du chef d’entreprise est purement et définitivement fiscale.

En effet, l’article 13-5 précise que « le produit résultant de la première cession à titre onéreux d’un même usufruit temporaire (…) est imposable au nom du cédant (…) dans la catégorie de revenus à laquelle se rattache [revenus fonciers], au jour de la cession, le bénéfice ou revenu procuré ou susceptible d’être procuré par le bien ou le droit sur lequel porte l’usufruit temporaire cédé ».

Il s’agit ici de la méthode du « cash flow » actualisé, mais pas uniquement. Le texte ne prévoit pas seulement une actualisation des flux déterminée en fonction des éléments « appréciables » au moment de la cession, mais de l’ensemble des éléments « déterminables » au jour de cette cession et qui aurait une influence sur la valorisation de l’usufruit temporaire. A ce titre, il est peu fréquent en pratique qu’une entreprise constitue suffisamment à l’avance une SCI dans l’optique d’acquérir ses locaux d’exploitation sans avoir une idée de son financement, du prix, de ses charges et de ses conditions. A défaut de pouvoir déterminer la valorisation exacte, le texte impose de déterminer l’imposition selon le bénéfice « susceptible » d’être procuré. Si la cession de l’usufruit temporaire des parts sociales intervient en pratique avant l’achat du bien, cette acquisition n’est jamais très éloignée. Parfois même, la SCI est constituée entre le compromis de vente et l’acte réitératif. Dans cette position, il est difficile de pouvoir justifier que l’on est, au jour de la cession de l’usufruit temporaire, dans l’incapacité de déterminer les revenus « potentiels » de l’opération, et que l’on avait d’autre choix que d’appliquer la valorisation de l’article 669 du CGI sur un capital social généralement faible.

Par ailleurs, le fait d’anticiper suffisamment en amont la mise en œuvre de cette stratégie, à défaut de tout projet d’acquisition immobilière, ne semble pas non plus une alternative envisageable. Si les conséquences de l’acte anormal de gestion, (caractérisé par le dirigeant qui engagerait inutilement des frais pour la constitution et la gestion d’une société « coquille vide » et à défaut d’intérêt pour sa société), peuvent être relativisées, le risque de requalification pour abus de droit ne peut être négligé.

Ici encore, comment justifier cette anticipation si ce n’est au titre d’un but exclusivement fiscal (L.64 LPF).

Si la « cession » à titre onéreux de l’usufruit temporaire permettait de procurer un avantage considérable sur le plan fiscal, il  est conseillé de existe d’autres « opérations » susceptibles d’aboutir à un résultat similaire.

Quelles alternatives à la cession de l’usufruit temporaire ?

Externalisation par réduction de capital

                Lorsque l’immeuble d’exploitation est déjà inscrit à l’actif de l’entreprise, il est possible de l’externaliser par voie de réduction de capital. Cette opération peut porter sur la pleine propriété du bien mais également sur sa nue-propriété. L’externalisation de la nue-propriété permettra de réduire les effets d’une imposition au titre de la plus-value professionnelle.

En contrepartie de l’annulation d’une partie de ses titres, le Chef d’entreprise reçoit la nue-propriété de son immeuble d’exploitation.

Cette opération ne sera par ailleurs pas soumise aux droits de mutation pour vente de bien immobilier (5,80%). Seul un droit fixe de 375 € ou 500 € sera exigible en fonction du montant du capital social.

Externalisation par distribution de dividende en nature

            Dans la même situation que celle exposée au-dessus, il peut également être envisagé d’externaliser la nue-propriété de l’immeuble par voie de distribution d’un dividende en nature. L’associé ne recevant pas de liquidités, recevra la nue-propriété de l’actif immobilier.

Cette alternative nécessite toutefois une analyse précise de la situation fiscale de l’associé (TMI, RCM…).

Le démembrement de propriété par rétention

                La matérialisation du démembrement de propriété peut intervenir de plusieurs façons. Si la cession d’usufruit temporaire constitue une autoroute en matière de démembrement, nous venons de voir que la note au péage peut être très élevée. Une alternative, toutefois un peu plus onéreuse, implique de constituer l’usufruit temporaire directement dans la société d’exploitation par rétention de ce dernier.

Plusieurs opérations préalables sont impératives afin de sécuriser la faisabilité de cette stratégie. Une fois mis en place, la société d’exploitation se retrouve usufruitière pour une durée déterminée tandis que le chef d’entreprise (ou ses enfants) détient la nue-propriété, laissant ainsi toute latitude à ce dernier pour organiser le retrait, ou le maintien de l’actif immobilier dans le circuit d’exploitation, tout en bénéficiant d’une fiscalité professionnelle pendant la phase d’exploitation, et d’une fiscalité privée lors de la cession.

Les droits conventionnels de jouissance

                Depuis la décision Maison de la poésie du 31 octobre 2012, la Cour de cassation a validé la création de droits réels conventionnels de jouissance.

L’article 13-5 du Code général des impôts étant limité aux cessions d’usufruit temporaire, ces nouveaux droits pourront ainsi échapper aux contraintes fiscales de ce dispositif.

Dans la continuité de cette décision, il est donc possible de prévoir de tels droits sur des droits sociaux.

Il conviendra toutefois de de créer des droits suffisamment originaux et suffisamment différents du droit d’usufruit temporaire, afin d’éviter une assimilation et une requalification sur le terrain de l’abus de droit (par exemple, modification droit de vote, durée plus longue ou plus courte etc.).

La création de catégories de parts différentes

                Le Code civil laisse énormément de place à la liberté contractuelle en matière de société civile immobilière. Il est loisible aux associés de se répartir deux catégories de parts différentes avec des droits distincts. La création de parts privilégiées peut ainsi procurer une proportion plus grande dans les bénéfices sociaux, droit de vote plural etc (attention toutefois aux clauses léonines). La détention des parts privilégiées par la société d’exploitation permettra de sécuriser l’économie générale de l’opération en respectant un équilibre avec le Chef d’entreprise titulaire de parts ordinaires.

Le démembrement de propriété constitue plus que jamais une stratégie efficace de gestion patrimoniale. En appliquant ces règles à l’entreprise, il devient possible de protéger les intérêts privés de l’Entrepreneur et ceux de son Entreprise à court et moyen terme. Chaque situation étant différente, que ce soit par la nature de l’activité ou par la situation privée du Chef d’entreprise, il est impératif de recourir à ces stratégies avec rigueur et de ne pas tomber dans la dérive d’un schéma commerciale comme le fut celui de la cession d’usufruit temporaire.

« L’usufruit temporaire est mort. Vive la nue-propriété ! »

 

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Auteur : Thomas RIGAL

Service droit des affaires

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