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Convention d'occupation précaire sur le domaine public

           Généralités – Non soumise au statut des baux commerciaux, la convention d’occupation précaire se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l’occupation des lieux n’est autorisée qu’à raison de circonstances indépendantes de la seule volonté des parties[1].

Il est possible de conclure sur le domaine privé une convention d’occupation précaire. Le régime de cette convention résulte du principe de précarité qui permet aux collectivités publiques propriétaires de prétendre à la récupération, à tout moment, de la jouissance du terrain ou de l’immeuble objet de la convention pour un motif d’intérêt général[2].

Par ailleurs, l’article L.221-2 du Code de l’urbanisme dispose que les immeubles acquis pour la constitution de réserves foncières ne peuvent faire l’objet de concessions temporaires qui ne confèrent au locataire aucun droit au renouvellement et aucun droit à se maintenir dans les locaux lorsque l’immeuble est repris en vue de son utilisation définitive.

Les conventions d’occupation précaire du domaine privé constituent en principe des contrats de droit privé[3], sauf si ces conventions renferment une clause exorbitante du droit commun, auquel cas elles relèvent de la catégorie des contrats administratifs.

Selon les dispositions de l’article L.145-2, I-4° du Code de commerce, le statut des baux commerciaux doit s’appliquer aux baux des locaux ou immeubles appartenant à l’Etat, aux collectivités territoriales et aux établissements publics dans le cas où ces locaux ou immeubles satisfont aux dispositions de l’article L.145-1 du Code de commerce.

L.145-1 du Code de commerce : « Les dispositions du présent chapitre d’appliquent aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne, soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés, soit à un chef d’une entreprise immatriculée au répertoire des métiers, accomplissant ou non des actes de commerce, et en outre :

1° Aux baux de locaux ou d’immeubles accessoires à l’exploitation d’un fonds de commerce quand leur privation est de nature à compromettre l’exploitation du fonds et qu’ils appartiennent au propriétaire du local ou de l’immeuble où est situé l’établissement principal (…) ».

Dès lors que ces conditions sont réunies, la personne publique risque de voir les conventions d’occupation qu’elle conclue être soumises de plein droit au statut des baux commerciaux.

Les conventions d’occupation précaire conclues par les personnes publiques sur leur domaine privé doivent remplir l’ensemble des critères des conventions d’occupation précaire afin de ne pas être requalifiées en baux commerciaux et donc être soumises aux dispositions d’ordre public qui leur sont applicables, notamment le droit au renouvellement ou le versement d’une indemnité d’éviction.

 

1 – LES ELEMENTS CARACTERISTIQUES DE LA CONVENTION D’OCCUPATION PRECAIRE


            La convention d’occupation précaire est un pur produit de la liberté contractuelle et de la jurisprudence, et constitue à ce titre un contrat sui generis.

Consacrant la jurisprudence antérieure, la loi 2014-626 du 18 juin 2014 définit la convention d’occupation précaire comme celle par laquelle, « quelle que soit sa durée, l’occupation des lieux n’est autorisée qu’à raison de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties ».

L’existence de ces circonstances particulières doit s’apprécier au moment de la signature de la convention[4].

La convention d’occupation précaire est exclue du champ d’application du statut des baux commerciaux[5].

Elles se caractérisent, quelle que soit leur durée, par le fait que l’occupation des lieux n’est autorisée qu’en raison de circonstances exceptionnelles et pour une durée dont le terme dépend de circonstances autres que la seule volonté des parties.  En effet, les tribunaux exigent que la précarité soit justifiée par des conditions objectives indépendantes de la seule volonté des parties[6]. Le fait que les deux parties aient intérêt à conclure un contrat précaire est insuffisant pour légitimer la conclusion d’une telle convention dès lors qu’aucune donnée objective ne caractérise la précarité de la convention[7].

Si l’objectif est la vente à terme de l’immeuble du domaine privé, il sera recommandée de procéder avant la conclusion d’une telle convention à toutes les démarches envisageables pour caractériser cet état de précarité (notamment offre de vente, publicité agence immobilière, à la mairie…).

Ainsi, les éléments essentiels de la convention d’occupation précaire résident :

  • Dans l’existence d’un « aléa », c’est-à-dire la survenance d’un évènement dont la date de réalisation est incertaine et qui caractérise la précarité du droit de l’occupant.
  • Dans la modicité de la redevance, qui est entre autre, la contrepartie pour l’occupant de la précarité de son droit de jouissance.

            1.1 – La fragilité du droit de l’occupant

            La précarité réside dans la fragilité de l’occupation. Elle est caractérisée par le fait que « le preneur ne peut fonder aucun espoir d’avenir vers la possession de la chose pour la création et l’exploitation d’un commerce ou d’une industrie[8] ».

Ainsi, la précarité résulte en fait de l’incertitude sur la durée de l’occupation.

Exemple de précarité reconnue – Elle peut également résulter de l’attente de la revente de l’immeuble ou la délivrance d’un permis de construire[9]. Elle a également été admise en cas de mise à disposition par le propriétaire en cas de vente et dans l’attente de la réalisation de la condition suspensive de l’obtention d’un prêt par le futur acquéreur[10].

La précarité a également été reconnue à une convention conclue dans l’attente de trouver un acquéreur pour le local[11].

En revanche, tel n’est pas le cas d’un local dans lequel le preneur s’est maintenu après la résiliation amiable de son bail, pour une durée de 23 mois, un délai octroyé pour lui permettre de trouver un acquéreur de son fonds de commerce ou de son droit au bail. La qualification d’occupation précaire n’a pas été retenue en raison de l’absence d’une circonstance particulière résultant de la seule volonté des parties[12].

Il résulte de l’exigence de ces conditions objectives que la convention d’occupation précaire ne doit pas être confondue avec le bail, ni même avec le bail dérogatoire institué par l’article L145-5 du Code de commerce. Toutefois, si les critères ne sont pas remplis, plusieurs exemples existent de requalification d’une convention d’occupation précaire en « bail dérogatoire »[13].

Requalification en bail dérogatoire – Si la convention d’occupation précaire est requalifiée en bail dérogatoire, l’application de l’article L.145-5 du Code de commerce devrait s’appliquer et dans ce cas, la conclusion d’un bail dérogatoire ou des baux successifs ne devra pas être supérieure à trois ans.

La durée – Une convention d’occupation précaire peut, en outre, être qualifiée comme telle indépendamment de la durée prévue à la convention qui peut être conclue à durée déterminée ou indéterminée[14]. La précarité de l’occupation ne réside pas dans sa brièveté mais dans sa fragilité.

En effet, la durée effective de l’occupation n’est pas déterminante dans la qualification de convention d’occupation précaire car la pérennité de la convention dépend de la survenance d’un évènement incertain ou certain mais dont la date de réalisation est incertaine[15].

Dénonciation de la convention – la faculté de mettre fin à la jouissance des lieux à tout moment sans avoir à respecter un délai de préavis, est un élément important en faveur de l’existence d’une occupation précaire[16]. Le fait d’exiger un bref préavis (trois ou six mois par exemple) ne fait toutefois pas échec à la précarité[17].

 

            1.2 – La modicité de la redevance dans la convention d’occupation précaire

            La redevance doit être faible, modique par rapport à un loyer normal. A défaut, une requalification en bail commercial pourrait être encourue.

Le montant de la redevance que paie l’occupant doit être inférieur au loyer présumé correspondre à une valeur locative réelle. Le faible montant de la redevance constitue en quelque sorte, la contrepartie pour l’occupant de la fragilité de son droit de jouissance.

Pour être considéré comme modique, la redevance doit être nettement en-deçà des prix couramment pratiqués dans le quartier où est situé l’immeuble.

Par exemple, a été considéré comme modique :

  • Une redevance fixée à la moitié du loyer correspondant à la valeur réelle du local[18] ;
  • L’absence d’obligation d’entretien des lieux par l’occupant[19] ;
  • Le fait que la convention ne mette pas les charges locatives à la charge de l’occupant constitue un élément supplémentaire en faveur de la précarité de la convention[20].

 

2 – LE REGIME APPLICABLE A LA CONVENTION D’OCCUPATION PRECAIRE


            2.1 – Exclusion des règles du statut des baux commerciaux

            Les conventions d’occupation précaire demeurent en dehors du champ d’application du statut des baux commerciaux (L.145-5-1 Code de commerce).

Convention successive – Par ailleurs, le renouvellement ou la conclusion d’une nouvelle convention d’occupation précaire entre les mêmes parties est possible et n’entraine pas l’application du statut des baux commerciaux tant que les conditions de précarité sont remplies[21].

Le fait qu’un occupant se maintienne dans les lieux au-delà de la période initialement prévue, sans conclure une seconde convention ne rend pas applicable le statut des baux commerciaux, dans la mesure où le motif de précarité perdure[22].

            2.2 – L’exception de la fraude des parties

            La convention d’occupation précaire constitue un bail commercial déguisé lorsqu’elle a été conclue dans le seul but de faire échec aux dispositions légales sur les baux commerciaux[23].

Dans ce sens, l’insertion par les personnes publiques de clauses exorbitantes du droit commun dans le contrat de bail est souvent suspectée de dissimuler une volonté de ces derniers de soustraire abusivement certains baux aux statuts des baux commerciaux.

La Cour de cassation a ainsi jugé que le fait qu’une clause déroge au statut des baux commerciaux en conférant un caractère précaire au droit concédé à l’occupant ne suffit pas à lui seul à qualifier de clause exorbitante du droit commun et que la nature d’un contrat ne peut se déduire d’une clause attributive de compétence à la juridiction administrative[24].

Exemple fraude – Par ailleurs, constitue un bail déguisé conclu en fraude des dispositions impératives du statut des baux commerciaux la « convention d’occupation » d’une ancienne carrière affectée à l’exploitation d’un camping, conclue pour une durée de 3 ans, prévoyant, d’une part que l’occupant doit entretenir les lieux en bon état de réparations locatives et contracter une assurance contre les risques locatifs, et, d’autre part, que la convention sera résiliée en cas de non-paiement de l’indemnité d’occupation ou de sous-occupation des lieux sans l’accord du propriétaire. En effet, il résulte de ces stipulations que les parties n’ont pas eu l’intention de conférer à la mise à disposition un caractère essentiellement précaire et révocable mais qu’elles sont convenues d’un véritable bail.

En outre, le fait que la convention contienne une promesse de vente du bien à l’occupant si celui-ci lève l’option à l’expiration d’un délai de 3 ans laisse apparaitre la volonté des parties de ménager à l’occupant, acheteur éventuel, la possibilité d’exploiter les lieux pendant une période déterminé (il peut décider de ne pas lever l’option pendant les 3 ans). Dans cette situation, sans véritable aléa (car la levée d’option dépend uniquement de sa seule volonté) pour son maintien dans les lieux pendant 3 ans, la précarité pourrait ne pas être reconnue.

 

Synthèse :

Pour éviter une requalification de la convention, les parties ont tout intérêt à expliciter, dans le préambule de leur contrat, les raisons qui ont motivé leur recours à la convention d’occupation précaire.

Les circonstances particulières indépendantes des parties devront être établies avant la signature de la convention.

Les critères de précarité devront à ce titre être respectés pendant toute la durée de la convention.


Auteur : Thomas RIGAL

Service Droit des affaires

 


[1] Article L.145-5-1 Code de commerce issu de la loi 2014-626 du 18 juin 2014

[2] Cass. Civ. 3ème 16 avril 1970 n°68-14387

[3] T. confl. 15 février 1979 n° 2019

[4] Cass.Civ3ème 7 juillet 2015 n° 14-11644

[5] L.145-5-1 Code de commerce

[6] Civ.3ème 12 octobre 1988 ; Civ.3ème 29 avril 2009 n° 08-10506

[7] Civ.3ème 12 octobre 1988 n°1355

[8] Cass.3ème civ. 21 mars 1990

[9] CA Paris 31 mais 1991 ; CA Bordeaux 25 août 1992

[10] Civ.3ème 31 janvier 2012 n°12-28591

[11] CA Paris 19 septembre 2007, n° 06-19586

[12] Civ.3ème 7 juillet 2015 n°14-11644

[13] CA Paris 5 avril 2002 n° 00-9252 ; Civ.3ème 19 novembre 2003, n°02-15887 ; Civ.3ème 7 juillet 2015 n° 14.11644

[14] Cass. Civ.3ème 13 mai 1997

[15] CA Caen, 14 avril 2005, n° 04-441

[16] Com. 20 juin 1961

[17] Civ. 3ème 26 novembre 1970 ; CA Paris, 22 juin 2005 n° 03-3789

[18] CA Bordeaux, 19 mars 1992, n° 91-5679

[19] CA Caen, 14 avril 2005, n°04-441

[20] CA Caen, 11 mai 2000, n°98-2846

[21] Com. 7 mai 1962 ; Civ.3ème 21 mars 1990 n° 88-19.365

[22] CiV3ème 2 avril 2003 ; CA Paris 22 juin 2005.

[23] Cass. Civ.3ème 25 mai 1977, n° 76-10226

[24] Cass.Civ. 3ème 2 février 2005 ; Cass.Civ.1ère 31 mars 2010 n°09-10731

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