
Faut-il tenir une comptabilité dans une SCI familiale ?
Contrairement aux idées reçues, la société civile immobilière n’est pas génératrice d’une optimisation patrimoniale par le simple fait de sa création et de son interposition entre le patrimoine immobilier qu’elle détient, et ses associés.
En matière de transmission de patrimoine, la société civile permet de prendre en compte le passif (emprunts, dettes) de la société afin de diminuer la valeur de l’actif (biens immobiliers). La somme de l’actif et du passif est appelée l’actif net. C’est sur cet actif net que les droits de donation et les frais de notaire seront calculés.
Une détention en directe du patrimoine immobilier ne permet pas de prendre en considération de passif qui grèverait éventuellement le bien immobilier.
Pour autant, tant que la SCI n’opte pas pour l’impôt sur les sociétés ou que son gérant n’est pas une personne morale, elle n’a pas d’obligation légale de tenir une comptabilité comme une société commerciale.
Pourquoi tenir une comptabilité dans une SCI familiale ?
- Seule une comptabilité à jour permet de donner une image fidèle et sincère du patrimoine de la SCI.
C’est généralement lors de sa constitution que l’évaluation de la société est au plus bas, et que les transmissions en faveur des enfants peuvent ainsi être favorisées.
Toutefois, plusieurs considérations peuvent pousser les associés à ne pas transmettre immédiatement la nue-propriété des parts sociales au profit des enfants. En effet, encore faut-il avoir des enfants ! Des associés soucieux de favoriser à terme une transmission au profit de leur future descendance, seront tout à fait enclins à anticiper cette donation en constituant une SCI.
Toutefois, lorsque la transmission des parts de la SCI intervient des années après sa constitution, se pose indubitablement la question de son évaluation.
Un raccourci malheureusement trop fréquent en pratique consiste à dire que la valeur de la société est égale à la valeur du ou des biens immobiliers qu’elle détient.
Cependant, il convient de diminuer la valeur des parts sociales qui sont transmises, du passif qui leur incombe.
- Seule une comptabilité à jour, permet de planifier efficacement une stratégie patrimoniale.
Une comptabilité tenue par les associés, même sommaire, permettra de déterminer avec une plus grande précision la valeur réelle des parts.
De la même manière, seule cette comptabilité permettra de révéler l’existence d’un « compte courant d’associé » qu’il conviendra de traiter avec votre Notaire pour décider, soit d’une incorporation au capital social, soit d’un traitement comptable spécifique permettant de le diminuer progressivement.
Rappelons à ce titre qu’une créance de compte courant est d’une part, taxable à l’ISF, mais constitue également un actif de succession taxable.
Compte courant d’associé : Le compte courant d’associé est une créance de l’associé envers la société. Chaque fois que l’un des associés règle une dette en lieu et place de la SCI (Taxe foncière, RF…), une créance s’inscrit automatiquement en comptabilité à son profit pour un même montant. C’est ce que l’on appelle en pratique le « compte courant papier », généralement présent dans toutes les SCI qui ont constitué un patrimoine immobilier par recours à l’emprunt.
Le compte courant peut également être volontaire. Certains associés peuvent « intentionnellement » prêter de l’argent à leur société afin de permettre à cette dernière de réaliser une opération quelconque, sans avoir à recourir à un emprunt bancaire. Seule une comptabilité permettra aux associés de se ménager la « preuve » du montant de leurs créances.
La transmission des parts sociales n’entraine pas automatiquement la transmission du compte courant.
Comment optimiser la transmission de son patrimoine ?
Si la transmission des parts sociales est généralement faite lors de la constitution de la SCI, (cette période correspond généralement à une évaluation faible des parts), d’autres mécanismes permettent de diminuer considérablement la valeur des parts transmises.
- Le démembrement de propriété : un outil efficace.
Le démembrement des parts constitue le principal outil permettant une optimisation de la donation des parts au profit des donataires. L’usufruit réservé par le donateur lui permettra de conserver les revenus de la SCI tout en ayant transmis irrévocablement les parts de cette dernière.
La valeur de l’usufruit et de la nue-propriété dépend de l’âge de l’usufruitier (CGI, art.669). Lors de la donation de la nue-propriété des parts, seule cette valeur est soumise aux droits de donation. On comprend dès lors pourquoi ce mécanisme rencontre un tel succès.
Si la valeur de la donation dépend de l’âge de l’usufruitier, il convient de préciser que, plus l’usufruitier est âgé, plus la valeur de son usufruit est faible et donc, corrélativement, la valeur de la nue-propriété est élevée.
Ainsi, anticiper une transmission permet de valoriser à la hausse un usufruit et donc, de réduire la valeur de la nue-propriété qui sera le cas échant taxable aux droits de mutation à titre gratuit.
A titre indicatif, lorsque les donateurs sont âgés de 51 à 60 ans, la valeur de l’usufruit est de 50% de la valeur en pleine propriété.
- Une transmission ne s’arrête pas à la donation… Attention aux comptes courant !
Si la donation de la nue-propriété des parts constitue la première étape d’une transmission optimisée, elle n’en constitue pas une fin en soi.
Si les parents se réservent l’usufruit des parts, ils en conservent les fruits et donc, les revenus.
Si la SCI dispose d’un ou plusieurs biens qui font l’objet d’une location, les associés usufruitiers se verront attribuer l’intégralité des loyers à proportion de leur participation dans le capital, et en supporteront l’impôt au titre des revenus fonciers.
Pour autant, en présence d’un emprunt, ces loyers sont dans la plupart des cas, automatiquement réaffectés au remboursement des mensualités d’emprunt.
Il n’en demeure pas moins que les associés usufruitiers seront taxables au titre des revenus fonciers à la fin de l’année, sans pour autant disposer des liquidités pour en recouvrir le paiement.
D’autre part, l’emprunt qui est généralement une charge de la SCI aura été comblé par les loyers qui, à défaut d’affectation comptable différente, seront réputés appréhendés par les associés.
Ainsi naît une créance de compte courant.
La transmission des parts sociales n’emporte pas transmission automatique du compte courant de l’associé. Les deux notions sont indépendantes, et la transmission de la créance doit être visée expressément dans l’acte de donation (ce qui augmentera d’autant la valeur taxable).
Dans cette situation, la donation de l’intégralité de la nue-propriété des parts ne permet pas d’assurer la transmission définitive du patrimoine. La créance de compte courant devra être réintégré dans la succession de l’usufruitier et sera à nouveau taxable aux droits de mutation à titre gratuit.
Plusieurs stratégies peuvent être mises en place pour réduire, voir annuler intégralement cette créance de compte courant, ce qui permettra d’affranchir totalement le patrimoine détenu par la SCI lors de la succession de l’usufruitier.
Premièrement, un amortissement comptable (et non fiscal !) des droits et biens immobiliers détenus par la SCI permettrait de réduire le résultat de cette dernière, réduisant ainsi, le résultat distribué aux associés et donc, le montant de leur créance de compte courant.
Ensuite, une affectation comptable du résultat au moment de la délibération annuelle permettra de réduire considérablement la constitution d’un compte courant au profit des usufruitiers.
Synthèse
Aucune obligation comptable ne pèse sur les associés d’une SCI Familiale.
Toutefois, plusieurs considérations patrimoniales doivent les conduire à s’affranchir de cette liberté, et de tenir une comptabilité qu’ils conserveront à titre confidentiel (sans publication). Cette comptabilité permettra pour eux de se ménager une preuve, tant entre associés, qu’au profit des héritiers.
Le Notaire en charge de la transmission et du secrétariat juridique de votre SCI pourra donc apprécier l’étendue des possibilités et vous offrir le conseil le plus adapté à votre situation.
Auteur : Thomas RIGAL
Service droit des affaires
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